Strategie
.Stratégie d’Allocation d’Actifs 2011. .Une Politique résolument axée sur le long terme et tournée vers le monde. Ce début d’année 2011 est marqué par deux phénomènes en partie liés que sont le retour du risque géopolitique et du risque d’inflation associé à la hausse de l’ensemble des matières premières. La hausse des matières premières résulte de la conjonction de trois phénomènes : tout d’abord de la reprise économique mondiale qui génère une croissance de la demande. N’oublions pas que l’économie mondiale a crû de 5,5 % en parité de pouvoir d’achat en 2010 et de 3,9 % en taux de change nominaux. Cette hausse est ensuite largement accentuée par les phénomènes climatiques particulièrement violents engendrés par la « Niña ». Cette hausse est enfin renforcée par une spéculation qui découle de l’abondance de liquidités provenant d’une politique monétaire clairement reflationniste aux Etats-Unis. Ces hausses des prix des matières premières agricoles, en particulier, exercent une ponction sur le pouvoir d’achat, tolérable pour nos économies développées, mais moins aisément supportable pour les économies les moins bien nanties. De cette tension naît aujourd’hui une révolte qui se cristallise autour de la corruption de certains pouvoirs, contre le manque de libertés, contre l’absence de démocratie. L’Egypte est dans ce contexte un pays important, à plus d’un titre. Pays laïc, l’Egypte est le seul pays avec la Jordanie ayant signé un traité de paix avec Israël. L’Egypte surtout, contrôle le canal de Suez par lequel passent 8 % du trafic maritime mondial et 3,5 % de l’approvisionnement mondial en pétrole. Une situation qui dégénère en Egypte, une contagion à d’autres régimes faibles et à la légitimité questionnable de la péninsule arabique, sont des risques que l’on ne peut écarter. La poursuite de la hausse des cours du pétrole, qui ont déjà dépassé le niveau symbolique de 100 dollars au cours du mois écoulé, pourrait avoir des conséquences néfastes sur le scénario économique central que nous nous devons d’évaluer et de réévaluer, dans l’environnement d’un monde à plusieurs vitesses. 1. L’Europe : Une zone économique « vulnérable » mais avec de réelles opportunités d’investissement. 1.1 : …Vulnérable… C’est là que, si les cours du pétrole venaient à flamber, le risque de stagflation serait le plus marqué. Certes, l’économie allemande affiche une santé presque insolente, un taux de chômage au plus bas, et un indice IFO du climat des affaires au plus haut depuis sa première publication en 1991 pour l’Allemagne réunifiée. Un bémol au tableau, une consommation toujours atone malgré les créations d’emplois. La santé de l’économie allemande justifierait à elle seule un relèvement des taux directeurs de la BCE, sans mentionner une inflation annualisée de 2,4 % pour l’ensemble de la zone euro en janvier. M. Trichet devra néanmoins se contenter d’un message de vigilance car un tour de vis monétaire risquerait de précipiter une nouvelle crise européenne. La crise de la dette n’est peut-être par encore derrière nous. Au contraire, il apparait absolument nécessaire que la dette grecque soit restructurée. Il semble plus que vraisemblable que la dette irlandaise, sitôt le prochain gouvernement installé au pouvoir, sera renégociée, et que les pertes devront être partagées par les détenteurs d’obligations émises par les banques. Le système bancaire espagnol se restructure mais demeure sous-capitalisé. Et ce d’autant plus que les prix de l’immobilier n’ont pas été ajustés pour refléter la réalité de la situation économique dans un pays qui compte désormais plus de 20 % de chômeurs. Les efforts du gouvernement central sont insuffisants compte tenu de l’endettement massif des 17 provinces autonomes (107 milliards d’euros, dont un tiers pour la seule Catalogne dont l’économie est de la même taille que celle du Portugal). La position allemande sur l’aide à apporter aux économies les plus faibles n’est peut-être pas aussi inflexible qu’on a pu le croire un moment (ce qui est justifié par le fait que les banques allemandes détiennent des dettes des Etats périphériques pour un montant de près de 12 % du PIB allemand), mais Mme Merkel ne pourra pas officiellement faire de concessions significatives avant le résultat de l’importante élection du 27 mars dans la province du Bade-Wurtemberg. Et d’ici là, la fragilité de la zone euro persiste. Un choc pétrolier, s’il devait advenir, mettrait inévitablement en péril la fragile reprise économique en cours, et ce d’autant plus que la BCE, à l’opposé de son homologue américaine, stérilise toutes ses interventions de soutien aux économies périphériques, ce qui a entraîné au cours des dernières semaines une tension sur les taux de refinancement, le taux Eonia dépassant même l’objectif de la Banque centrale, à plus de 1,3 % en fin de mois. Tant d’incertitudes ne nous ont pas incités à investir massivement sur l’Europe tout au long de l’année 2010, a fortiori sur le secteur bancaire. 1.2 : …Mais avec de réelles opportunités d’investissement en 2011. En ce début d’année 2011, les intervenants sur les Marchés Financiers ont procédés à des rotations de portefeuilles, traditionnelles en cette période, en privilégiant les pays et les secteurs qui ont été les moins performants en 2010. Notre prudence et nos convictions de long terme, ne nous ont pas incitées à modifier drastiquement notre politique d’Allocation d’Actifs. Nous demeurons prudents dans nos allocations d’actifs et nous préférons privilégier la gestion du risque à l’investissement de court terme hasardeux. Cependant, nous initions par petites touches un retour sur l’Europe en privilégiant les valeurs de rendement qui offrent une réelle opportunité historique. Le rebond entamé à compter du 9 mars 2009 a bien entendu profité en priorité aux sociétés cycliques (industrielles et financières). Durant les premiers mois de ce rebond (jusque fin 2009), les valeurs de rendement ont accumulé une décote injustifiée ; l’année 2010 a vu se poursuivre l’écartement des valorisations pour atteindre plus de 15% de performance pour le MSCI Europe Growth, contre une performance nulle pour le MSCI Europe Value. En parallèle, l’écart de performance se creuse entre les grandes et les petites/moyennes capitalisations : Depuis fin 2009, le CAC40 sous-performe le CAC Mid&Small 190 de plus de 21 points. Cet écartement semble intenable dans la durée, et justifie une surpondération de la thématique rendement / grandes capitalisation / valeurs décotées, afin de profiter d’une revalorisation en 2011, pour ces sociétés présentant à la fois une décote sur le marché, une volatilité inférieure, et des fondamentaux de qualité. Trois éléments favorables et déterminants des marchés actions : Une valorisation raisonnable, à 11.3x les résultats estimés du Stoxx600 en 2011 (croissance attendue à +17%, soit un PE implicite de 13,2x pour une croissance nulle en 2011). Une excellente santé financière des entreprises européennes : le travail de restructuration des bilans en 2009 (notamment sur les BFR) a permis de réduire fortement l’endettement des entreprises non financières (ratio Dette Nette / Ebitda à 1.5x en 2008, et 1,1x attendu pour 2011). Une excellente santé opérationnelle après un travail en profondeur sur l’outil de production : les marges d’Ebitda sont positionnées, dès le début de cycle, au niveau du point haut du cycle des années 90 (~12%, déjà en « avance » de 2 points sur le point de départ du cycle de 2002). Outre ces trois opportunités majeures, on peut également citer des éléments favorables, comme la plus grande diversification géographique des sociétés européennes (jusqu’à 50% des chiffres d’affaires des sociétés hollandaises ou britanniques sont réalisés en dehors de l’Europe, notamment dans les pays émergents, 33% pour les françaises), leur permettant une plus grande stabilité de leur croissance, sur des niveaux structurellement supérieurs à ceux des pays développés. 2. Les Etats-Unis semblent moins fragiles que la vieille Europe et confirment le passage d’une économie de reprise à une économie en expansion. Les indicateurs avancés sont positifs, et dans toutes leurs composantes. Les effets conjugués des politiques monétaire et budgétaire portent leurs fruits. L’emploi devrait lentement se redresser dans les prochains mois. L’inflation n’est pas un problème pour l’instant du fait d’un taux de chômage toujours élevé et de pressions sur les salaires inexistantes, et de prix dans immobilier résidentiel qui demeurent déprimés. Mais l’activisme monétaire et la reprise de la croissance ont concouru à la hausse des cours des matières premières, dont ceux du pétrole, les Etats-Unis étant encore de loin le premier consommateur avec près d’un quart de la consommation mondiale. Cette situation peut-elle à terme évoluer vers une croissance inflationniste ? Nous n’en sommes pas convaincus. D’une part, la perfusion monétaire devrait disparaître fin juin. D’autre part, si la réduction de l’endettement du secteur privé a commencé, tout en étant loin d’être achevée, celle de l’Etat fédéral et des municipalités reste entièrement à mener. Les Etats-Unis devront bientôt, une fois la croissance établie et le cycle de création d’emploi réamorcé, remettre de l’ordre dans leurs finances publiques. Un retour à davantage d’orthodoxie monétaire et budgétaire aura pour vertu d’exercer un frein à l’apparition ou à l’amplification de pressions inflationnistes. Dans ce contexte, les actions américaines sont attrayantes et nous paraissent les plus à même de bénéficier de cette nouvelle phase d’expansion économique. 3. Les Economies Emergentes doivent faire face à des pressions inflationnistes temporaires mais bien réelles : C’est le moment de devenir plus sélectif. 47 % des américains à qui l’on demande quelle est la première puissance économique mondiale répondent : la Chine. Cela est dû à la croissance que connait depuis des années l’Empire du Milieu. De fait, en prenant une base égale à 100 pour tous les PIB en 2005, le PIB actuel des Etats-Unis serait de 105, celui de la zone euro 104, ceux de la Grande Bretagne et du Japon de 102. Celui du Brésil serait de 125, et l’on atteindrait 147 pour l’Inde et 169 pour la Chine. Cela donne une mesure des différentiels de croissance et rend légitime la présence de pressions inflationnistes dans l’univers émergent. Faut-il s’en inquiéter ? Plus de nuance nous semble approprié. D’une part, dans certains pays, l’inflation est en grande partie alimentaire. C’est le cas de l’Inde où l’inflation a atteint 8,4 % en rythme annuel pour les prix de gros en décembre. Les prix alimentaires ont sur la même période progressé de 16 %. Ces hausses sont temporaires. En revanche, tous les pays émergents ne sont pas égaux en termes d’inflation structurelle. L’Inde ou l’Indonésie manquent encore cruellement d’infrastructures et la croissance, en accélérant, y crée rapidement des goulots d’étranglement sources d’inflation. A l’inverse, la Chine, qui a massivement investi, tant en capacité de production qu’en infrastructures, ne connaîtra pas ce problème. Voilà bien une réponse aux détracteurs de la croissance chinoise qui s’émeuvent perpétuellement des surinvestissements. La Chine peut continuer à croître à près de 10 % sans engendrer une inflation incontrôlée. A 4,6 % en décembre contre 5,1 % en novembre, les chiffres semblent indiquer une stabilisation. Il faut ajouter qu’un peu plus d’inflation structurelle est inévitable en Chine. En effet, la réorientation de la croissance au bénéfice de la consommation domestique passe nécessairement par une réévaluation progressive (mais sensible) des salaires. C’est à ce prix que la Chine cessera de croître aux dépens du reste du monde (son excédent extérieur s’est déjà réduit de 11 % du PIB en 2007 à 3 % aujourd’hui) et, au contraire, contribuera à la croissance des économies développées. Une hausse massive des cours du pétrole affecterait différemment les économies émergentes. L’Inde, la Corée et la Turquie sont parmi les pays importateurs qui subiraient les effets de ces hausses. En revanche, la Chine, le Brésil, la Russie et le Mexique seraient peu affectés voire même pour certains directement bénéficiaires de cette manne additionnelle. Ainsi, la situation économique, entendue en termes d’inflation à court terme, requiert vigilance. Néanmoins, confortée par l’attitude responsable des gouvernements et des banques centrales des principaux pays concernés, notre conviction à moyen terme sur ces grandes économies demeure forte. Leur croissance repose sur des moteurs domestiques et leurs fondamentaux en termes de déficits et de dettes demeurent dans des limites bien moins préoccupantes que nos économies développées. A titre d’exemple, le déficit budgétaire annuel chinois, à 2,7 % du PIB, ne dépasse pas un seul mois de déficit budgétaire américain ! Nous maintenons une surpondération de nos investissements en actions dans les pays émergents, la Chine y figurant en première place… La sous-performance de cette classe d’actifs en ce début d’année est le résultat de prises de bénéfices de la part de gérants souhaitant se reporter sur leurs marchés domestiques. Elle ne devrait être selon nous que très temporaire. 4. Le Japon : Des entreprises en meilleure santé que les faibles cours du marché ne le suggèrent. L’optimisme alimenté par la solide croissance des marchés émergents profite au Japon, les échanges commerciaux ne dépendant plus exclusivement de l’Occident et des consommateurs américains. La croissance rapide de la Chine présente une opportunité considérable pour le Japon. La Chine est déjà le partenaire économique le plus important du pays (importations, exportations et investissements) et, alors que la croissance chinoise est de plus en plus alimentée par la demande interne et moins par les dépenses d’investissement, cette relation devrait continuer de favoriser les sociétés du Japon. 4.1 : Enfin la reprise ? Le Japon a connu de nombreuses « fausses reprises » et, selon nous, ne semble pas avoir réglé ses problèmes de croissance ou mis fin à la déflation une bonne fois pour toutes. Nous n’attendons pas de redressement miraculeux mais, en dépit d’une croissance léthargique, le pays reste sur la voie de la reprise (il existe en effet de réels catalyseurs), ce qui pourrait suffire à infléchir la tendance de ce marché peu cher. Près de deux tiers du marché se négocient sur la base de ratios cours/valeur comptable inférieurs à 1. Un ratio (cours/valeur comptable) de la sorte nous semblerait plus logique si la rentabilité était sur le point de fortement diminuer – ce qui est très peu probable. 4.2 : Les fondamentaux des sociétés sont supérieurs à ce que l’on pourrait penser. Les entreprises japonaises sont en meilleure santé que les faibles cours du marché ne le suggèrent. Il est encourageant de constater qu’un grand nombre d’entre elles ont revu à la hausse leurs prévisions de bénéfices et ajusté leurs hypothèses de change afin de refléter la solidité du yen. Témoins de la résistance du secteur privé, les profits ont plus ou moins renoué avec leurs niveaux de 2007 malgré le ralentissement de la croissance du PIB nominal et la forte appréciation de la monnaie du pays. Outre la rentabilité, les cash-flows ont également augmenté. Ces liquidités serviront en partie à rembourser les dettes et en partie à financer des opérations de fusion-acquisition, ou encore à rémunérer les actionnaires par le biais de rachats d’actions ou de dividendes. 5. Les matières premières conservent tout leur sens dans le contexte actuel. Pour les raisons évoquées en introduction, la croissance forte des économies émergentes et l’expansion américaine justifient ce thème d’investissement. 6. Privilégier une allocation internationale en devises. Dans le même esprit que celui des matières premières, l’allocation internationale en devises est un outil de gestion des risques des gestions globales. Ainsi, un équilibre dans l’allocation devises nous permettra de gérer au mieux les incertitudes politiques comme économiques des mois à venir. .Conclusion. Les marchés appréhendent ces surprises, bonnes ou mauvaises, avec mesure, ce qui conforte les bases fondatrices de notre allocation d’actif à long terme. Toutefois, La conjonction de ces divers facteurs, associée à la bonne performance des bourses occidentales, Europe en tête, en ce mois de janvier, nous incite à une certaine prudence tactique qui se concrétise par quelques prises de profits (de préférence émergentes) et une dose de rotation géographique en faveur de l’Europe, la poursuite du renforcement de la sensibilité de nos poches prudentes, et la réinsertion dans nos allocations d’une dose de volatilité. Cela ne change pas notre vision de moyen terme qui reste favorable aux classes d’actifs risqués.